Impolitesse, préjugés, racisme… Un entretien d’embauche peut parfois tourner au théâtre de situations aussi choquantes qu’inappropriées. Thomas, Sarah et Aleksandra racontent ces moments où les recruteurs ont dépassé les limites.
Entre sketch et irréalisme – L’entretien absurde de Thomas
Il y a 20 ans, je recherchais une entreprise pour effectuer mon stage de fin d’études en ingénierie informatique. Parmi les entretiens d’embauche que j’ai passés, il y en a un que je ne suis pas près d’oublier.
Le jour de mon entretien pour un poste dans une ESN, je suis arrivé 10 minutes en avance. La personne qui devait me recevoir s’est agacée et m’a dit : « les gens qui arrivent en avance sont pénibles ». Forcément, ça m’a d’entrée de jeu mis mal à l’aise. 5 minutes plus tard, elle revient et me dit qu’elle a une urgence, qu’elle doit partir chez un client et m’a demandé de l’attendre. J’étais tout jeune, inexpérimenté, alors j’ai attendu pendant une demi-heure.
À son retour, l’entretien a commencé. Elle me présente l’entreprise et le poste quand tout d’un coup elle s’arrête et me dit : « vous ne prenez pas de notes ? » Je lui explique que je suis très attentif et que j’ai une bonne mémoire. Ce à quoi elle me répond de façon hautaine : « ah oui, alors combien nous sommes dans la société ? », « Comment je m’appelle ? », « comment s’écrit mon prénom ? » J’avais l’impression que c’était une mauvaise blague. Heureusement, ce job n’était pas mon choix préféré, si ma candidature n’était pas retenue, je m’en moquais. Je me suis alors pris à son « jeu » en répondant correctement à ses questions.
Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Voyant que je pouvais faire l’affaire, elle sort sur un ton désobligeant que l’on me paiera le strict minimum et que c’était déjà bien. Elle n’avait ni honte ni scrupule à considérer les stagiaires comme de petites mains à son service qui ne méritent aucun salaire. Au moment de conclure l’entretien, je ne pensais pas qu’elle pouvait encore me choquer, mais si ! À l'époque, j'avais les cheveux mi- long et je me les lissais. Debout, sur le pas de la porte elle se tourne vers moi et me dit : « au fait, la coupe à la Brice de Nice, ça ne va pas le faire, il va falloir changer ça. » Aujourd’hui, heureusement j’en ris.
Doses de sexisme et de racisme – L’entretien d’Aleksandra
D’origine polonaise, je suis arrivée en France à l’âge de 18 ans pour faire des études de droit. Tout juste diplômée d’un master en droit social, j’ai été convoquée à un entretien de recrutement pour travailler en tant que juriste dans une organisation patronale. Le jour J, j’entre dans la salle et je me retrouve face à 4 hommes dont le Président. Autant dire que pour une jeune femme qui n’a aucune expérience professionnelle, c’est intimidant.
Alors que je me présente, le Président m’interrompt : « vous avez 27 ans et vous êtes mariée. Combien de bébés et de congés maternité vous comptez prendre ? » J’étais décontenancée. Il me posait cette question sans la moindre gêne, bien au contraire. C’était un comble sachant que mon interlocuteur est un juriste qui connaît et est censé respecter la loi.
Je continue mes recherches et je passe un autre entretien dans une boite d’expertise comptable, toujours pour un poste de juriste. L’entretien avec la responsable de service se passe bien jusqu’au moment où, après 45 minutes d’échange, elle me dit : « vu que vous êtes d’origine étrangère, est-ce que vous vous débrouillez bien en français ? » Je suis restée bouche bée. Elle avait lu mon CV et ma lettre de motivation, et nous venions de discuter en français pendant plus d’une demi-heure. Que voulait-elle de plus ? Elle savait parfaitement que je maîtrisais le français, sa remarque n’avait rien de logique. Sur le moment, je ne m’en suis pas rendu compte. Aujourd’hui que j’ai 42 ans et avec du recul, je réalise que c’était simplement raciste.
Je me souviens lui avoir également demandé à quelle heure on commençait le travail. Elle a levé les yeux vers moi et m’a répondu : « je vais faire comme si vous n’aviez pas posé la question. » J’ai quitté le métier de juriste depuis maintenant 7 ans et je sais pourquoi : les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés.
J’ai vécu une expérience traumatisante – L’entretien effrayant de Sarah
Je cherchais un emploi à temps partiel dans l’assistanat en parallèle de mes études. J’ai été contactée pour passer un entretien. J’étais stressée, c’était ma première rencontre avec le monde du travail. Le jour de l’entretien, c’est le Directeur général, un homme d’une cinquantaine d’années, assez charismatique qui me reçoit. J’entre dans un immense bureau, seule avec lui. Il m’invite à m’installer sur le canapé et me propose un café.
On échange sur mes études, mes ambitions et sur les raisons de ma candidature. Jusque-là, c’était un échange tout ce qu’il y a de plus classique. Et puis, à un moment, il m’ordonne de « fermer les yeux ». Je ne comprends pas et je lui demande pourquoi. Il insiste et je m’exécute. Là, je sens quelque chose sur moi et j’ouvre les yeux : il avait retiré son pantalon et je me trouvais nez à nez avec ses parties intimes. Pendant quelques secondes qui m’ont semblé être une éternité, je me suis figée. Puis, je me suis levée et je suis partie en courant du bureau.
Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais parlé à personne de cette expérience. J’étais jeune, et je venais d’une famille d’immigrés pour qui il est important de bien se faire voir. Je ressentais de la honte. La honte de m’être retrouvée dans une telle situation. Ce fut l’expérience la plus traumatisante de ma carrière.
*Pour des questions de respect de la vie privée, les prénoms ont été changés.
